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Cette page fait partie du projet Une famille Le Guennec - Runigo sur 500 ans entre Carnac et Plouharnel.

En 1475 les Carnacois se plaignent auprès du Duc de Bretagne d'être trop taxés.


En 1475, La peste, les pillages anglais ont ravagé et appauvri le pays. Les Carnacois demandent la révision des taxes.
Une commission d'enquête est envoyée par le Duc, Elle se compose du sénéchal de Vannes et d'Auray, de l'auditeur des Comptes du Duc et de nobles connaissant bien Carnac. Village par village, ils recensent les familles, leurs biens et déterminent les bases d'imposition.


Ce document est aux archives de la Loire-Atlantique, cote B-2986 non numérisée. Jean Rio m'en a fourni la copie ainsi que la transcription car le document est difficile à lire bien qu'en bon état et de présentation très claire.

enquete fiscale 1475 Carnac enquete fiscale 1475 Carnac

Contexte historique de l'enquête

Les Ducs de Bretagne

Arms of Jean III de Bretagne
Ce sont les armes des ducs de Bretagne de 1316 à 1514. La Bretagne est un état indépendant.

Dans le contexte de la guerre qui oppose la france et l'Angleterre, dite guerre de cent ans ( un peu plus de 1327 à 1475 mais avec de longues trèves ), la Bretagne fluctue dans ses alliances entre l'Angleterre et la France.
En 1365, la bataille d'Auray est gagnée par l'armée anglo-bretonne de Jean IV de Bretagne, branche des Montfort.



En 1420, les Anglais sont maîtres de Paris et le traité de Troyes désigne le roi anglais Henri V comme successeur de notre Charles VI (d'où l'intervention de Jeanne d'Arc).
Cinquante ans après, l'Angleterre a pratiquement perdu tous ses territoires en la France et en 1475, la rédition des bourgeois de Calais, dernière possession anglaise, clôt la guerre.

Au moment de l'enquête fiscale, la France a repris le contrôle du Morbihan mais on voit que la population souffre de nombreux raids des Anglais qui font des razzias sur les côtes, pillant, brulant et faisant des prisonniers pour les négocier contre rançon. Le recensement fiscal en cite de nombreux cas.

Sceau de François II - Duc de Bretagne
Le Duc de Bretagne est François II, de la branche Montfort, mais ayant signé un traité avec la France. Deux ans plus tard naîtra sa fille Anne de Bretagne, future reine de France, épouse de Charles VIII « pour assurer la paix entre le duché de Bretagne et le royaume de France » (clause du contrat de mariage). Elle épousera ensuite Louis XII. C'est Claude, sa fille qui épousera François Ier et apportera la Bretagne à la France.

À ce fléau des razzias anglaises se rajoute l'épidémie de peste noire qui touche la Bretagne peu après la guerre de succession de Bretagne. Cette peste a fait plus de 30% de morts, l'enquête en témoigne.


Louis Duveau : La peste d'Elliant (1849, musée des beaux-arts de Quimper).

Diffusion de la peste noire 1347 1351

À ces guerres et à la peste, se rajoute La lèpre qui a sévi à partir du Xième siècle et décliné vers cette fin du XVième siècle. La chapelle de la Madeleine à Carnac en témoigne. Elle est près du village de Kergroes où est recensée une des familles Runigo. Les lépreux fournissaient probablement les cordes pour le bateau.

Compte tenu de ce contexte, les Carnacois avaient de bonnes raisons de demander la diminution des taxes !

Les nobles dispensés de taxes de fouage :



Les épidémies



De fort pauvres familles :

Page 20, Guille Le Pelletier et sa femme tiennent une tenue au village Terres chaudes 12 journaux, bêtes daumaille 7 et une chèvre, Ils sont tout de même imposés ! (1/8 de feu)
Page 21, le village de Kergouillar rassemble plusieurs familles pauvres : Jehan Ker Austin est pauvre de tout bien. Joulin Le Boezer est journalier et sa famille est dans une grosse pauvreté Ÿ,Il est tout de même imposé ! (1/20 de feu)
Page 35, au Hahon, une mendiante, Marion, veuve Jouhan Lucas. Son mari et 2 de ses enfants sont morts de la peste. Il lui reste 3 enfants de moins de 4 ans.
Page 36, au Hahon, un petit valet de l'âge de 8 ans garde les bêtes

En bord de mer, les paysans pêcheurs :


page 12, Olin Le Blevec est paysan et pêcheur au village de Beaumer, dans l'anse du Men-du , Il a du terrain, 4 vaches, 2 chevaux, 12 bêtes à laine et un bateau pour pêcher.
page25, Marc Garnier mort en mer et plusieurs autres,
Page 41 un marinier
Page 42, à Ker Tudual,

Les victimes des Anglais :


Page 17 , les Le Runigo, prisonniers plusieurs fois des Anglais
Page 23, au village Helestrec, le frère de Jehan Porz a été prisonnier 5 ans des Anglais et semble avoir été libéré moyennant rançon.
Page 43, une famille décimée par la peste et dont les fils ont été faits prisonniers par les anglais au havre de Crach Ÿ qui ont pillé souventes foys Ÿ,

Les villages cités :

L'excellent site http://pays.carnac.free.fr/frairies.php énumère clairement la liste des 70 villages répartis en 18 frairies, Plouharnel n'y est pas.

Le bateau des Runigo

Les familles Le Runigo sont citées quatre fois.Pour les trois premières familles, ils viennent de perdre au en 1740 un bateau de 90 tonneaux. Les tonneaux mesurent la contenance des bateaux, c'est à dire, le chargement possible, C'est presque incroyable un tel tonnage à un moment où le tonnage moyen de l’ensemble du Morbihan qui est de 49,36 tonneaux.

" 90% de la flotille consiste en chasse-marées, petits bateaux légers, de faible contenance -15-25 tonneaux, et rapides qui permettent la pêche côtière et le cabotage le long des côtes. Entreprises restreintes, initiatives de petites gens, comparées à celles des géants méditerranéens de l’époque : italiens et espagnols ; nuée de petits voiliers minuscules, de petits patrons souvent faméliques ; mais faits suffisamment établis et solides pour marquer d’une empreinte durable l’économie provinciale Ÿ Ces bateaux profitent de la marée pour s'échouer sur les plages et n'ont pas besoin de ports. "
source : L’ARMEMENT NANTAIS DANS LA DEUXIÈME MOITIÉ DU XVIIIE SIÈCLE | Jean Meyer
Par contre pour le Bateau des Runigo, le texte mentionne bien "quatre-vingt-dix tonneaux"

La Belle Angele (2)

A l'époque, les bateaux de 100 tonneaux sont assez rares pour être répertoriés dans les grands ports Le bateau Runigo devait avoir besoin d'un mouillage profond et probablement pas sur les plages de Carnac ou dans la ria de Crach, Auray peut-être ?
Après la perte de ce bateau, on comprend leur demande de renégociation de leur base d'imposition, Ce gros bateau faisait peut-être le commerce avec l'Espagne et le Portugal pour leur livrer des céréales, des cordages et des toiles de chanvre pour les voiles.
Histoire de la Bretagne et des Pays celtiques Ÿ, tome II, L’Etat breton (1215-1532), Morlaix, 1989, cité dans le livre LES BRETONS ET LA MER AU MOYEN ÂGE | Jean-Christophe Cassard

Les Le Runigo de l'enquête


Page 2, à Kergroes, Yvon Le Runigo, sa femme et ses 7 enfants de moins de 9 ans. Ils ont une tenue à cens de 50 sols, c'est à dire qu'ils paient chaque année la somme fixe de 50 sols au seigneur. Le cens est la redevance annuelle, foncière et perpétuelle qui est due par celui qui possède la propriété utile d'un fonds, le matériel et les bâtiments, appelé censive, à celui qui en possède la propriété éminente, appelée seigneurie. Ils viennent de perdre en 1470 ce navire dont ils étaient propriétaires au quart (1/4).
Page 17, à Crucarnac (Cloucarnac), Robert et Jouhn Le Runigo sont copropriétaires du bateau, eux aussi pour le quart (1/4). Ils ont été plusieurs fois prisonniers des Anglais et ont perdu le navire du port.
Page 19 Bastien Le Boezenec est aussi copropriétaire du navire des Runigo (1/4)
Page 25 au bourg, Yvon Runigo et sa femme sont cités sans mention du bateau. Ce couple sans enfants présent au foyer est peut-être âgé, parent d'Yvon, Robert et Jouhn et propriétaire du dernier quart ?

Documentation