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1873- le départ du port de Nice


Finalement, le grand jour arriva. Tôt le matin, Giuseppe devait emmener ses frères au port Lympia pour les présenter à l'armateur Maiffret. Une fois bien chargée de marchandises, la tartane ferait la traversée vers Albenga en un jour si les vents leur étaient favorables

Le port de Nice vu de la colline du château vers 1872
Gravure de 1872. ]Cette vue date probablement de 1872 ou plus tard car le grand môle avec le phare à l'entrée du port est déjà réalisé.
Des quais sont établis à partir de 1842. Après le curage des bassins en 1868, sont entrepris les travaux de prolongement du môle extérieur sur une distance de cent mètres en exploitant la carrière de Rauba-Capeu. Les travaux sont achevés en 1872. Source LE PORT DE NICE AU XIXe SIÈCLE, documentation du Conseil Général. Catalogue de l'exposition Côtes et gens de mer


Tartane
La tartane est un bateau à voile caractéristique de la Méditerranée.Transporteur de fret populaire, elle ne disparut que dans le premier quart du XXe siècle.

Chacun emportait son maigre baluchon sur le dos. Cattarina n'avait pas eu de mal à y mettre l'essentiel. Ils n'avaient que ça.

Elle avait juste confié à Francesco un cadeau luxueux pour sa sœur, un petit flacon de parfum à la rose de Grasse. Elle se souvenait de Maria mettant des grains de lavande dans leurs draps et de son amour pour les roses du jardin du curé. Un jour, elles avaient essayé d'en dérober des boutures. Cattarina faisait la courte échelle à Maria pour qu'elle atteigne les branches qui dépassaient du muret quand le prêtre les avait surprises ... Comme elles avaient ri en s'enfuyant. Maria était une enfant très gaie. Dieu sait ce qu'elle était devenue après son mariage avec le fils du voisin, ce Tonio infatué de lui-même. En tous cas, elle n'avait surement pas perdu son grand cœur et saurait accueillir ses neveux. Cattarina pouvait lui faire confiance.

Au départ des enfants, Cattarina se tint sur le seuil et les yeux rougis de larmes, elle esquissa un sourire courageux. Giuseppe, son fils ainé se moqua un peu d'elle :
" Vaï, ne t'inquiète pas ! Moi, je reviens à midi. Tu ne ferais pas tant d'histoire si c'était à moi de partir au service militaire ! Ce voyage en fera des hommes."

Cattarina ne répondit pas. Elle se retourna et rentra dans la maison. Qui sait si elle reverrait ses enfants. Penchée sur l'évier de la cuisine, elle se rinçait le visage baigné de larmes quand Giuseppe fit irruption dans la maison et jeta violemment le chaton favori de Battista sur le sol.
" Regarde ! Battista l'avait caché dans son barda. Heureusement que je l'ai entendu miauler ! "
Puis il se rua dehors en maugréant "Foutu gosse, une vraie tête à claques. Si on arrive en retard, le bateau ne va pas nous attendre".

Cattarina ramassa le chaton effrayé et le pressa dans son giron. Pauvre petite créature, il était tout tremblant, il était jeune lui aussi. Elle eut une lueur d'espoir. Si seulement les enfants pouvaient rater le bateau, ils seraient de retour ce soir. Là, tous autour de la table et la vie continuerait comme avant... mais sans son Carlo qui reposait au cimetière de Ginestière... et avec de nouveau ces colères de Giuseppe en train de mettre à la redresse ses frères...

Ce Giuseppe chassait ses petits de la maison. Que la maison serait triste sans le rire des enfants, et surtout de Battista, si gai jusqu'à la mort de son père. Depuis il se réfugiait souvent dans ses jupons en serrant ses genoux sans rien dire. Alors elle interrompait son travail, prenait l'enfant sur ses genoux et le serrait très fort sur son cœur . C'était leur façon de faire le deuil de Carlo. Elle avait besoin de lui, de le protéger. En lui redonnant du courage, elle se sentait plus forte. Elle le câlinait, le chatouillait, le faisait rire et ils reprenaient leurs activités d'un cœur plus léger.

Maintenant elle n'avait plus le courage de vivre. A l'idée de travailler seule sur la propriété avec Giuseppe, la haine lui venait. Et pourtant, c'était son fils aussi. Elle l'avait aimé, couvé comme les autres mais peu à peu la perpétuelle jalousie de Giuseppe avait refroidit ses sentiments. Ce n'est pas en éloignant ses frères qu'il gagnerait plus d'amour. Elle lui en voulait trop et s'en voulait aussi. Peut-être qu'ils n'avaient pas assez consacré de temps à Giuseppe. A leur arrivée à Nice, la vie avait été dure. Carlo s'embauchait comme journalier. Quant à elle, elle devait trainer les enfants avec elle pour aller faire les ménages chez les autres et là interdit de pleurer, de jouer et même de bouger. Surtout pas de bruit. Pour occuper le bébé, elle lui donnait un quignon de pain sec à mordiller tandis que Costanza berçait sa poupée de chiffon.

C'est Costanza qui avait attiré l'attention de la signora Anfossi. Elle avait été surprise de voir ce petit bout de chou endormie sur le coin du couffin du bébé. Les enfants étaient seuls au pied de la cage d'escaliers. Abandonnés là dans cet immeuble bourgeois pour qu'une famille les prennent en pitié ? Au bruit de la porte qui se refermait, la petite fille sursauta. A peine réveillée, les yeux écarquillés, elle fixait la dame qui leur avait parlait doucement pour ne pas les effrayer. La petite fille ne répondait pas, elle serrait dans ses bras son frère de peur qu'on le lui prenne. Puis la signora Anfossi avait entendu Cattarina qui trainait son seau sur le pallier du dessus. C'est ainsi qu'elles avaient fait connaissance. Elles se voyaient tous les mardis, la signora venait visiter une amie, Cattarina nettoyait la cage d'escaliers. Elle y mettait tout son courage, ne se plaignait jamais et à son départ le marbre des marches et les bronzes de la rampe brillaient de tous leurs feux. Petit à petit, elles firent connaissance. Parfois Carlo venait les chercher. Grand costaud, il inspirait la confiance avec son grand sourire franc. Une belle famille courageuse à qui les Anfossi proposèrent de devenir métayer de leur propriété de Saint Antoine de Ginestière.

Plus que métayers, ils étaient devenus des amis et à la naissance de Francesco en juin 1858, Anna, la fille Anfossi avait accepté d'être la marraine. Comme tous les étés, la famille Anfossi était venue habiter la maison de campagne, quittant la touffeur de Nice pour la colline plus fraiche de Ginestière et dès son réveil, Anna descendait quatre à quatre les marches de l'escalier et rejoignait Cattarina et le bébé dans la cuisine. Cattarina lui confiait volontiers l'enfant. Anna avait tout juste dix-huit ans et jouait à la maman avec ce bébé gentil et facile à vivre. Elle rêvait d'en avoir un pareil, plus tard. Quand elle emmenait le bébé, Costanza la suivait, elle aimait Anna et cette dernière le lui rendait bien. Elle lui lisait des histoires, lui apprenait des chansons et discutait avec elle comme une grande. Ils passèrent ainsi deux étés ensemble, Francesco était très gai et éveillé. Il s'intéressait à tout. Costanza sautillait et chantait comme un pinson.

C'est peut-être ce qui avait assombri le caractère de Giuseppe. Avec ce bébé il avait perdu sa place de petit dernier. Il ne comptait plus pour sa mère et même pour sa grande sœur. Toutes ces attentions portées au bébé, le rendaient jaloux malgré tous les efforts de Catterina pour le valoriser :


"Viens avec moi au jardin ! Un bébé, c'est pas marrant, ça dort tout le temps. Toi, tu es un grand. Tu as deux ans déjà."

Ils jouaient à cache-cache en ramassant les courgettes et les tomates. Elle le poursuivait avec l'arrosoir pour l'asperger... Giuseppe riait aux éclats. Il était heureux. Ses yeux pétillaient. Son visage s'illuminait d'un grand sourire qui faisait ressortir ses fossettes. Mais quand Cattarina revenait à la maison pour allaiter le bébé, Giuseppe se renfrognait. Sa mère le trahissait de nouveau.

Le troisième été, la famille Anfossi ne revint pas. Dès le rattachement de Nice à la France, les Anfossi étaient partis à Turin rejoindre l'administration sarde. Peu après le père était mort. La veuve et les enfants n'avaient plus payé les taxes de leurs propriétés niçoises. L'administration française avait saisis et mis en vente les biens des émigrés. François Ammirati, commis aux hypothèques, avait vu passer l'affaire et en avait profité pour racheter la propriété à vile prix, de plus en puisant dans les comptes de sa femme.

"Tu verras, c'est un bon placement. La terre c'est plus solide que le papier monnaie."

Du passé, tout ça. Mais il n'avait pas de quoi être fier le 'Signor' Ammirati d'avoir sous estimé à son profit les biens de la veuve Anfossi et maintenant de menacer ainsi ses métayers. C'est bien lui qui avait incité Carlo à se lancer dans ce projet de vigne et y laisser sa santé.

Maintenant que les petits étaient partis et que les deux ainés étaient assez grands pour s'en sortir, elle voulait rejoindre son Carlo. Si seulement c'était possible ! Mais c'est Dieu qui décide...

Tandis qu'elle broyait ces idées noires, elle entendit appeler son nom.

"Cattarina, j'ai vu passer les enfants. Maintenant tu vas pouvoir m'aider à l'auberge. Il y a du monde pour midi; je leur ai promis les raviolis. Viens, il y a du travail !".
C'était Louisa. Son amie avait le cœur sur la main et comprenait sa détresse. Elle occupa Cattarina toute la matinée et quand Giuseppe remonta du port, il put partager leur repas dans la cuisine de l'auberge. Ils purent même en emporter pour Costanza le soir à son retour du travail. Celle-ci arriva largement après la tombée de la nuit. Il faisait déjà nuit noire. Ces journées épuisantes lui permettaient d'épargner un peu d'argent pour son futur ménage. De plus le vieux Falicon était vraiment très gentil et facile à vivre malgré son impotence.

"Ne t'inquiète pas, Mama. Mes petits frères reviendront tous à Nice encore plus costauds.C'est bon à leur âge de voir du pays, mieux même que les études. C'est l'école de la vie. En attendant, je serai toujours près de toi. Je vais rester encore cinq ans avec Giuseppe et toi pendant que Barthélémy est à l'armée. Ensuite après notre mariage, nous prendrons un métayage sur la colline. Il est d'accord. Ce n'est pas loin non plus de ses parents. Il pourra les aider quand ils seront vieux."

Sur le port, Giuseppe n'eut pas de mal à trouver le bateau. Au bout du nouveau mole, l"équipage s'activait au chargement sous la supervision de l'armateur Maiffret. Il fallait faire vite pour dégager le quai sur lequel s'entassaient encore les poteries et les objets précieux que l'armateur comptait revendre à Albenga : des poteries de Vallauris et des meubles de marqueterie niçoise. Au retour, il se chargeait de riz, de plantes, de barriques de vin et de quelques passagers. Souvent des familles de pauvres italiens qui venaient tenter leur chances à Nice. Prêts à travailler comme des bagnards pour assurer un toit et de quoi manger à leurs enfants.

Les adieux furent rapides. Maiffret, un peu bourru, dit à Giuseppe :
"C'est pas trop tôt ! Encore un peu nous partions sans tes frères."

Giuseppe lui donna l'argent convenu et serra une dernière fois ses cadets dans les bras :
"Comportez vous bien ! Et toi Francesco, n'oublie pas d'envoyer des lettres à ta mère ! Bon voyage et bon vent", dit-il en rigolant devant l'hésitation des petits et il s'enfuit à grands pas, un peu ému lui aussi. Dieu sait s'ils se reverraient un jour .

Les enfants firent vite embauchés : Battista pour caler les poteries dans le fond du bateau sous la surveillance des matelots qui lui apportaient le chargement au fur et à mesure. Agiles et rapides, ils faisaient la navette entre le quai et la cale ventrue de la tartane et escaladaient l'échelle de bois d'accès au bateau sans problème. Pour Francesco et Onorato, l'équilibre était plus difficile à trouver. A chaque mouvement des marins, la tartane gitait et l'échelle dansait sous leurs pieds. Dur de garder l'équilibre !

L'armateur leur confia des pièces légères soigneusement emballées : des tableaux, des dessus de tables marquetées...
"Au moins si vous tombez à l'eau, je ne perdrai pas la marchandise, elle flottera et vous pourrez toujours vous y raccrocher !"
Cela ne rassura pas les deux grands, ils ne savaient pas nager. La seule vue de l'eau leur faisait peur, ils se concentraient sur les barreaux de l'échelle tout en évitant de regarder cette masse liquide et noire qui menaçait de les engloutir.
"Allez, plus vite sur l'échelle, pas de temps à perdre, leur criait Maiffret, on voit que vous êtes des culs terreux des collines. les enfants du port sont plus débrouillards."

Finalement, tout se passa vite et bien. Cette précipitation acclimata vite les enfants et quand les marins larguèrent les amarres et hissèrent les voiles, ils étaient tout fiers de partir pour l'aventure. En ce matin calme, un monde nouveau s'ouvrait devant eux.

Maiffret était à la barre, Battista à ses côtés, les deux grands assis sur le plat bord. Le vent léger faisait faseyer les voiles et la tartane sortait doucement du port. Une fois le mole franchi, sur leur droite, la vue de Nice se dégagea progressivement au delà de la colline du château. Tout au loin, au bord de cette grande baie des Anges, ils cherchaient à repérer leur maison de Ginestière ou au moins l'auberge de Maria dont la terrasse donnait la mer mais difficile de se repérer parmi toutes ces collines. Ils était perdus.

Maiffret les aida à repérer le clocher de l'église Sainte-Hélène, droit comme un I au bord de la plage, juste à côté du dos rond du bastion construit par Napoleon pour protéger Nice. Puis le bateau vira de bord et ils firent face au mont Boron et à un curieux palais rose avec clochetons et minarets.
"C'est le château de l'Anglais, leur expliqua Maiffret, le domaine descend jusqu'à la mer".
Ils en voyaient les terrasses, les escaliers et surtout la grande bâtisse à nulle autre pareille.

Le château de l'anglais nice
Ce palais est celui de Robert Smith (1787-1873), colonel du génie anglais en Inde. Il est construit en trois ans et son architecture éclectique s'inspire des constructions néo-mogholes. Les merlons sont inspirés du Fort-Rouge de Delhi que le colonel Smith avait restauré. Le domaine descend sans interruption jusqu’à la mer et comprend de nombreuses fabriques (tours, belvédères, kiosques, escaliers…), toutes dans le même style exotique fantaisiste

Le port de Nice vu de la colline du château vers 1872


"Ces riches construisent des folies tandis que nous, on trime pour gagner le moindre sous. Heureusement qu'ils sont prêts à payer cher les produits que j'importe. Ce n'est pas en vendant une poignée d'olives que je pourrais survivre moi aussi. Et ces Anglais, ils nous donnent du travail à tous : sans eux Nice ne serait pas aussi belle.
— Du travail, il n'y en a pas pour nous, répondit Francesco. Ils ne nous font pas confiance à nous les italiens et pourtant on est plus niçois qu'eux. Nice, on y est né. Même les niçois nous rejettent, ils gardent les bonnes places pour eux et leurs enfants. Nous, on doit trimer comme des journaliers, pour les travaux les plus pénibles toute notre vie. Comme des bagnards.
— Tu es bien amer ! C'est vrai, après cette guerre de 1870 et avec cet emprunt à payer aux vainqueurs, c'est la crise. La France n'a plus d'argent et ça se ressent à Nice. Heureusement que tu vas voir du pays, ça te fera du bien. Sinon cette révolte finirait par te mener au vrai bagne. Regarde ce qui est arrivé à Paris, les communards sont descendus dans la rue et cette révolte les a amenés tout droit au bagne. On vient de les déporter hors de France, à l'autre bout du monde, en Nouvelle Calédonie. Ceux là, sûr que leur famille ne les reverra pas ! "

Le Bosphore interrompit la conversation. De toute sa vapeur il annonçait triomphalement son arrivée dans le port à grands coups de trompe. Il venait chercher la clientèle du casino de Monaco. Ces riches joueurs allaient y passer la journée et le bateau les ramènerait le soir. Par prudence, le matin, ils devaient déjà payer leur ticket de retour. Qui sait, s'il perdaient toute leur fortune au jeu, ils pourraient au moins rentrer chez eux à Nice. Une série de grosses vagues secoua le bateau, la baume balaya le pont heureusement sans heurter personne. Maiffret redressa la barre et la tartane reprit sa course normale.

Le mal de mer gagna les enfants. Onorato fut le premier à se pencher sur le bastingage. Les gouttes de sueur perlaient sur son front, il allait vomir. Les marins se regardèrent en souriant et tout le monde se tut. En doublant le cap de Nice, les vagues se creusèrent. Effrayés par l'ampleur des ondulations, Onorato et Battista se blottirent au fond du bateau tout contre les poteries. Ils n'en menaient pas large. Ils ne voulaient plus regarder la mer. Francesco, lui aussi avait peur mais se sentait obligé de faire le brave, maintenant c'était lui l'aîné, le responsable de ses frères. Il lui semblait être sur le dos d'un dragon qui allait tous les engloutir. La mer le terrifiait, il aurait préféré prendre le train comme l'avait conseillé sa tante d'Albenga, en plus, c'était beaucoup plus rapide et surement plus sûr.

Malgré sa peur, il s'habitua peu à peu au tangage et à la vue de ces vagues qui lui semblaient vouloir submerger le bateau. Il participa même aux manœuvres des voiles. Après quelques bordées, ils doublèrent le phare et le sémaphore du cap Ferrat puis la tour de Saint Hospice. Le capitaine fit un signe de croix rapide.
"Pourquoi , lui demanda Francesco ?
— C'est pour que Saint Hospice nous protège. Il a vécu sur cette pointe il y a très très longtemps mais il fait encore des miracles. Regarde près de la tour, tu verras le clocher de la chapelle construite pour le remercier.
— et ça sert à quoi toutes ces tours ?
— le phare s'allume la nuit pour guider les bateaux, le sémaphore permet d'envoyer les télégrammes et cette vieille tour date du temps où les pirates infestaient les mers. Quand les felouques barbaresques s'annonçaient à l'horizon, les soldats de la tour allumaient un grand feu dont la fumée alertait les tours voisines, qui propageaient l'alerte de la même façon. Ainsi la population avait le temps de se réfugier dans les villages fortifiés avant l'arrivée des pirates. Tu sais, ce n'est pas si vieux que ça, mon grand-père me racontait que des pirates ont enlevé six pêcheurs de Carras.
— malheur ! C'est tout près de là où travaille Costanza ! Elle travaille au four à pain de Barla.
— ne t'inquiète pas ! C'était il y a longtemps tout de même. En 1828, juste l'année de ma naissance.
— et que sont-ils devenus ?
— les barbaresques les ont emmenés comme esclaves dans leur pays, de l'autre côté de la mer, à Alger.
— les pauvres !
— dans leurs malheurs, ils ont eu de la chance. Deux ans après, lors de la prise de la ville d'Alger, les Français ont retrouvé une jeune fille de Carras. Une très belle fille, dit-on. Tellement belle que le dey d'Alger l'avait achetée pour son harem. Pour les autres prisonniers, certains ont réussi à revenir. Probablement grâce aux chevaliers de Malte. Ces chevaliers payaient une rançon aux barbaresques en échange de chaque homme. ça j'en suis sûr , j'ai vu l'ex voto qu'ils ont déposé au monastère de Laghet.
— si je reviens à Nice, avec mes frères, moi aussi, je mettrai un ex voto !
— comment ça ? Sûr que tu reviendras à Nice et que tu reverras ta famille ! "




Aquarelle trouvée sur le site http://www.icem-freinet.net. Péfdagogie Freinet

Maiffret prenait plaisir à discuter ainsi avec cet adolescent qui lui rappelait les incertitudes de sa jeunesse. Il n'avait pas encore d'enfant mais aurait rêvé de transmettre son métier à un fils comme Francesco. Ces trois petits partaient vers l'inconnu. Qui sait comment ils seraient accueillis à Albenga ?





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