Head of the Statue of Liberty on display in a park in Paris

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Après le mariage à l'église Sainte-Hélène, la noce se retrouve à l'auberge Falicon près du vallon Barla.

Les Niçois à l'exposition universelle de 1878 à Paris

La collation à l'auberge

Le buffet étale les pissaladières, les pots de sanguins au vinaigre, de la charcuterie ...

Françoise Bouroul et sa fille Catherine s'activent pour faire le service. Françoise vient souvent en renfort aider sa petite soeur Joséphine à l'auberge. Depuis la mort de leur père Gio Batta (Jean Baptiste pour l'Etat Civil Napoléonien), elles sont restées très proches. Heureusement car leurs terrains se touchent. Au début l'auberge n'était qu'une grange avec du fourrage pour les bêtes et quelques tables pour les hommes. Petit à petit, Joséphine et Antoine Risso avaient mis de l'argent de côté pour pour contruire cette grande auberge bien placée à l'entrée de Nice pour accueillir les rouliers. D'ailleurs c'était un peu Urbain , le mari de Françoise qui les y avait encouragés :

— Maintenant qu'il n'y a plus de frontière avec la France, et avec le développement de Nice, il va y en avoir du passage. Il faut bien l'alimenter cette ville.

Dans la grande cour, les charettes trouvaient la place de se garer, deux puits d'eau douce et limpide permettaient d'abreuver les mules que l'on pouvait parquer à l'ombre des buissons en bord de mer. Cela faisait du bien à tous. Soulagés d'être rendus à bon port, les hommes se lavaient de toute la poussière des chemins et se rinçaient la gorge avec la joie de retrouver les nouvelles du pays. Ainsi, ils étaient plus présentables pour se rendre en ville.

Il en avait des idées son Bouroul. Il avait agrandi la maison, transformé les pâtures du bord de mer en jardin de fleurs leur assurant des revenus substantiels en complément des rentes de Françoise et du loyer que leur payait leur fille Antoinette, installée au rez-de-chaussée avec son mari Vincent et leurs enfants. Dommage qu'Urbain en vieillissant ait révélé un tel caractère. Au début, il était si séduisant, même un peu trop charmeur ! Elle s'y était laissée prendre. Maintenant, ils étaient à l'abri du besoin mais elle et ses trois filles Catherine et les jumelles Joséphine et Pauline, se sentaient en prison dans cette maison tenue de main de fer par ce mari pessimiste et haineux. Alors Françoise était contente de retrouver l'animation de l'auberge, sous prétexte d'aider sa soeur.

L'orchestre met de l'ambiance avec les rengaines à la mode et les chansons italiennes que tous les invités reprennent en chœur. Les jeunes dansent, les vieux discutent. À la table de Cagnoli et du vieux Falicon, la discussion est animée. Gian Franco entame le sujet politique des élections récentes. Il parle à voix très forte pour couvrir la musique :

— Ces Français ont beau contester les élections, c'est bien notre Joseph Garnier qui est sénateur maintenant. Cet enfant des montagnes de Beuil fera respecter nos droits du Comté de Nice auprès de ces Parisiens qui veulent tout imposer. Le suffrage universel, c'est bien eux qui nous l'ont accordé en 1860, alors maintenant, il faut exprimer notre avis … Je ne comprends pas que si peu de niçois votent. Si je le pouvais, j'irai voter . Mais, impossible. Je ne vais pas déranger les jeunes pour me porter.

— Joseph Garnier est plus parisien que niçois ! Répond André Cagnoli, à voix basse et un peu gêné.

Depuis la défaite de 1870 et la chute de Napoléon III, et la répression des émeutes de la Commune de Paris en 1871, toute discussion politique est risquée en ces temps agités et fluctuants de confrontation entre les conservateurs, partisans du retour de la monarchie, les libéraux, républicains , les partisans de Garibaldi et du retour à l'Italie et les autonomistes niçois, voulant maintenir les droits anciens du Comté de Nice avec son sénat, sa cour d'appel. Joseph Garnier fait partie des libéraux favorables à la république modérée, essayant de concilier les aspirations de chacun. Économiste et journaliste réputé, il est respecté de tous mais qui sait pour combien de temps. À quarante-huit ans,l'architecte Cagnoli a encore besoin de travailler longtemps sur les projets de la mairie. Alors mieux vaut rester prudent. Pour détourner la conversation, il entame un autre

— Les temps changent. La France nous offre de nouvelles opportunités. Qui aurait dit, il y a vingt ans qu'on proposerait au Niçois de participer à l'Exposition Universelle à Paris. Mon frère Louis, l'ébéniste, y est convié par le gouvernement. Louis va y aller avec sa femme et son beau-frère Jacques, le boulanger. Des Falicon, probablement tes cousins. Les Falicon sont si nombreux à Carras.

— Oui, répond le vieux. Je viens de le lire dans le journal de d'hier. ( pour les Falicon, il préfère ne pas répondre, comme dans toute famille, les cousins sont un peu brouillés pour des querelles d'héritage et même de procès. )

— Je rêverais d'y aller mais mes charges de famille ne me le permettent pas. J'aimerais voir ce projet de Statue de la Liberté. Il paraît que la tête de la statue est présentée en taille réelle et qu'on peut grimper dedans avec un escalier jusqu'au diadème. C'est prodigieux, ce que Eugène Bartholdi a réalisé. La tête à elle seule mesure plus de de quarante-trois mètres de haut. Alors imaginez la taille de la statue entière. Je me demande comment la structure va soutenir le poids énorme des feuilles de cuivre qui la recouvrent.

— Oui, mais tous ces projets, qu'est-ce que ça nous apporte ? En plus c'est un cadeau « pour la liberté » des Américains. Ces gens là n'ont rien à voir avec nous. Au lieu de forcer les gens pauvres à émigrer en Amérique ou ailleurs, vaudrait mieux améliorer la vie ici. !

— Résoudre tous ces problèmes techniques va améliorer notre vie. Regarde, les voies ferrées, les pont métalliques construits par Gustave Eiffel ! Tout ça c'est du solide et jamais vu de ton temps.

— Tout ça, ça n'est plus pour moi. Pour les enfants de Costanza peut-être ! Regarde, elle est si belle. Ce beau mariage elle le mérite bien.





Bonne lecture !


A suivre,

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