Nice-Jetée Promenade
Premier palais inauguré en avril 1883 et incendié 3 jours après



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Ensemble du livre : biographie de François Nespola, 1858-1911
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1882, Nice multiplie les attractions pour les riches touristes hivernant au soleil de la Côte d'Azur


Pour résumer brièvement la documentation citée en fin de cette page :

Suite de l'histoire Nespola



En ce jour de l'an 1883, Catherine Bouroul n'a pas le moral ...

L'année 1882 a été marquée par la mort de son père. Alban Bouroul est décédé le 16 juin. C'est la fin d'un long parcours vers la décrépitude et la mort. Avec un courage de tous les jours, Catherine et Françoise sa mère se sont occupées de ce vieux très, très lourd. À deux, elles réussissaient à peine à le manoeuvrer de son lit vers son fauteuil, le laver et l'habiller. Pour le physique, passe encore mais le pire c'était le caractère de ce tyran domestique. Manipulateur et méchant, il se vengeait sur les deux femmes de sa déchéance. Il alternait les cris, les grognements et les exigences. Toujours plus vite, jamais un merci. Par contre, lors des visites de Pauline ou Joséphine, ses filles jumelles, il se faisait tout doux, souriant, avec même une pointe d'humour. Un an après, Cattarina se rappelle encore mot pour mot de la conversation que Pauline a eu avec son père l'hiver dernier. Pauline était sa fille préférée : vive, belle et toujours souriante.

— Ha, ma petite Pauline, tu es mon soleil ! Que me racontes-tu de beau aujourd'hui ? Ton mari et tes enfants, ils en ont de la chance de t'avoir. Toi au moins, tu sais tenir une maison et prendre soin de ton homme. Regarde, ce matin, elles ne m'ont même pas rasé.
Elles sont toujours pressées de filer à l'auberge. Pour travailler et gagner notre pain, qu'elles disent ! Je ne suis pas dupe ... Viens baisse-toi que je te dise à l'oreille : je les vois bien quand elles partent, toute pimpantes et de frais vêtues ta mère me cherche déjà un remplaçant et, dans mon dos, Catherine court le guilledoux avec ce bon à rien de Nespolo.
Hier soir, je les ai entendus. Ha oui, ils étaient dans la chambre de Cattarina et j'entendais grincer le lit. FAIRE ÇA DANS MA MAISON ! Si j'étais plus vaillant, il tâterait le bout de mon fusil et crois-moi, il ne reviendrait plus. Quant à elle, faut pas s'y fier.
- Voyons, Papa, que dis-tu là ? Francesco est à cent lieues de Nice, il travaille au canal. Tu te fais des idées et tu es bien ingrat. Ma soeur se dévoue pour toi, jour et nuit ... Attention ! Si de guerre lasse, elle décide de partir, tu iras à l'hospice car tu sais bien que, avec mes petits et le jardin, je ne peux pas m'occuper de toi et Mamma n'a pas assez de force.

- Quitter la maison ! Pour aller où ? Dormir sous les ponts ou dans une grange de montagne avec son Italien ? Cette vieille fille attardée a refusé tous les bons prétendants qui se sont présentés. Elle déshonore la famille.
- Non, bien au contraire, tu sais, ça fait plusieurs fois que Madame d'Angely lui propose de venir à son service.
- L'hiver, pour trois mois, oui ... mais l'été, elle fera sécher les poissons sur la grève ? Celle-là, c'était pas la peine de l'envoyer à l'école pour finir couturière.
- La dame l'emmenera à Paris. Catherine est capable de copier et de réaliser les robes et les chapeaux à la dernière mode. Elle lui a même proposé de lui ouvrir une petite boutique et de s'associer.
- Trop beau pour être vrai ! Tu y crois, toi, à ces balivernes ? Si c'est vrai, pourquoi n'accepte-t-elle pas ?
- Madame d'Angely est riche, sans enfant. Tous les hivers, elle lui montre les derniers modèles de Paris sur papier ou sur des petites poupées habillées et lui commande des robes. Avec toutes ces fêtes, il en faut toujours de nouvelles et elles ont bien du succès, surtout que Cattarina les adapte aux mesures de sa patronne. Toutes les dames veulent le nom de la couturière mais Madame d'Angely le tait obstinément. Cattarina a refusé. En mars, elle ne partira pas à Paris. Elle reste ici pour te soigner ..
- Toujours la même, bastian contrari, cette gourde laisse passer la chance de sa vie.
- Tu es fou ! Arrête, elle va t'entendre.
Un petit sourire éclaira la face d'Alban.
- Cattarina, c'est pas pour moi qu'elle reste, c'est pour son Nespola.

Occupée à préparer la soupe dans la cuisine, Cattarina avait suivi toute la conversation. Pas surprise mais fatiguée de tout ce travail, des nuits blanches passées auprès du vieux. Quand il hurlait la nuit, elle ne pouvait pas s'empêcher de se lever pour l'aider. Le jour, il somnolait et la nuit, il faisait la matane. Elle avait toujours peur de le retrouver fracassé par terre dans une mare de sang. C'était son père tout de même. Toute sa vie, elle l'avait subi. Au dehors, il faisait le Monsieur, affable, raffiné, séducteur, à consoler même car malheureux, le pauvre ! Doux comme un mouton ! Brave comme un lion ! Mais à la maison, sa vraie nature reprenait le dessus. Fini les apparences, bougon et taciturne, il imposait sa loi à toute la famille. Interdit de rire, de chanter, de jouer, il fallait travailler. Toujours prêt à dispenser les critiques et les remontrances, il trouvait toujours un petit rien à amplifier pour en faire des scènes et gare à celui qui osait en rire. Pas "celui", mais plutôt "celles" car son seul fils, Antoine, lui avait tenu tête et avait quitté la maison avant même de finir l'école. Au lieu d'étudier pour être docteur ou avocat, comme en rêvait son père, il était parti comme charretier. Mais maintenant que le vieux était faible et dépendant, trop tard pour se venger ! L'hospice, non !

Elle restait pour aider sa mère. La pauvre, elle, elle s'était bien laissée manipuler : le ménage vivait sur ses rentes des propriétés Falicon, pendant que son mari dissertait brillamment à l'auberge ou en ville sur les fleurs, l'horticulture "avenir du jardinage". Tout ça c'était des mots, les enfants devaient faire le travail : biner, planter, récolter, arroser le jardin en rentrant de l'école. Heureusement Vincent Martin, le mari de Pauline avait pris le relais et c'est lui qui s'en chargeait maintenant. Il partait même avec le charreton livrer les fleurs et quelques légumes au marché rue Saint François de Paule. Les fleurs se vendaient bien pour orner tous ces palais et toutes ces réceptions. Mieux que les olives traditionnelles.

Finalement, le vieux, il avait raison, il avait su y faire dans la vie et elle, elle râtait tout. Une vraie gourde !

À passer sa vie à attendre, elle avait laissé passer les occasions. À trente ans, elle était vieille fille dans la maison de ses parents et risquait bien de le rester. Nulle part ailleurs où aller. Un Francesco qui ne venait même plus la voir. Quant à la couture, c'était le même échec. Cet hiver, Madame d'Angely n'était pas revenue, alors fini les belles robes, les beaux tissus, la mode, Paris. Elle cousait à petits prix pour les gens de Carras et passait ses jours et ses nuits pour finir les ouvrages. Elle avait bien essayé de proposer ses services dans les grandes maisons. Pour cela, elle avait fait des frais : chaussures, chapeau, beau tissu et s'était confectionné une robe sur un modèle de Madame d'Angely mais les majord'homes faisaient barrage à cette paysanne déguisée en femme du monde qui venait importuner leurs maîtres.

À l'inauguration de la Jetée Promenade, en octobre, elle avait encore essayé de de faire reconnaître dans la foule des badauds par une des amies de Madame d'Angely mais ces belles élégantes n'avaient même pas jeté un oeil sur elle, toute préoccupées qu'elles étaient par la passerelle à franchir sur la mer démontée avant d'accéder au dôme et de se réfugier dans les salles d'apparat à l'abri du vent. Faut dire, quelle idée de construire un casino sur la mer ! Encore une idée des Anglais !

1882 jetée promenade
Nouveau palais reconstruit après l'incendie
Si encore son Francesco était là ... Depuis la mort de Gian Paolo Falicon, il se faisait rare dans le quartier Sainte-Hélène. Elle l'aimait, il était l'homme de sa vie mais lui ? En fait il ne lui avait jamais rien promis. Peut-être une amitié sans plus. La dernière fois qu'ils s'ils s'étaient entrevus, en juin, il ne l'avait pas serré dans ses bras. Avant, il la soulevait et la faisait tournoyer comme une plume, riant de joie de la revoir. Non, il était resté à deux pas, la tête baissée pour regarder ses souliers bien cirés, présentant ses condoléances pour la mort de son père et lui souhaitant bonne chance pour Paris car Costanza lui avait raconté les projets de Madame d'Angely. Il ne l'avait même pas regardée dans les yeux.

Costanza avait pensé bien faire, elle était si fière du succès de son amie. Prendre le train, passer l'été à Paris ou Etretat .. Découvrir le monde .. ça enthousiasmait Costanza. Pour son amie bien sur, pas pour elle. Elle, sa vie, c'était ses bébés, son Barthélémy, leurs projets. Paris, elle n'en avait rien à faire. Mais Cattarina était encore libre, à sa place, elle aurait plaqué là le vieux pour partir à Paris en mars avec sa patronne. Modiste !

Et Francesco ??? Pas sûr qu'il l'aurait suivie pour se faire concierge ou employé de maison. Son projet à lui, c'était d'épargner pour acheter un terrain et y cultiver les fleurs. Son caractère fier et indépendant ne convenait pas pour des postes de serviteur et les fastes des grandes maisons ne l'attiraient pas.

De toute façon, le problème ne se posait plus. Elle avait refusé et cet hiver, Madame d'Angely n'était pas revenue. Elle ne lui avait même pas écrit.

Alors elle continuait à vivoter dans sa petite échoppe de couturière entourée de sa famille. Grâce à Vincent, Pauline et leurs enfants, la joie y régnait et même sa mère Francesca avait retrouvé le sourire. Elle le méritait bien après toute cette vie passée en brimades.

Curieusement, Francesca continuait à soutenir Cattarina. Tu verras, tu as raison, Francesco, il est pour toi. Ce petit, il t'aime ! Moi, je l'ai vu dans ses yeux tout humides quand il t'a quittée.


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1883-1885- l'Exposition Internationale de Nice



Documentation

la jetée Promenade

"La Jetée-Promenade de Nice est un ancien bâtiment, construit sur pilotis sur la mer face au jardin public en 1882 et détruit en 1944. Elle avait une vocation ludique et touristique pour contenter les touristes, Anglais notamment, qui affluaient sur la Côte d’Azur. La jetée niçoise s'inspirait en bonne part de la jetée de Brighton." sur Wikipedia

Documents pour la généalogie de la famille:



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Les casinos fleurissent à Nice en 1882

1882 jetée promenade
1882 jetée promenade, collection Giletta.
1882 jetée promenade vue de la Promenade
1882 jetée promenade en cours de construction, image Facebook.


La généalogie Falicon, Bouroul, Nespola

1882 décès d'Alban Bouroul
Décès du père de Catherine Bouroul.
1824, naissance de Françoise Falicon, mère de Catherine Bouroul
1824, baptème de Françoise Falicon. La mère de Catherine, Françoise Bouroul, née Falicon a 59 ans fin 1882. Elle décèdera en 1899 dans sa maison au bord de la Promenade des Anglais.
propriétés Falicon et Bouroul
L'excellent article de Sébastien Cagnoli décrit très bien l'histoire du quartier et des Falicon. Encadré en vert, à gauche, en bas, l'auberge Falicon, puis du même côté de la route, la maison Bouroul-Falicon face à l'ilôt Falicon-Maiffret
Maison Bouroul
La maison Bouroul est grande, le jardin est petit, la terre en bord de mer est sableuse et caillouteuse mais il dispose d'un bassin à l'angle de la maison pour récolter l'eau des toits et arroser les fleurs. Entre la propriété Bouroul et l'auberge Falicon, le terrain est communal,il sert de pâture et permet probablement aux routiers clients de l'auberge de garer leur attelage.