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Ensemble du livre : biographie de François Nespola, 1858-1911
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1885-1886 .

LaGuerreAMadagascar
(source wikicommons, Louis Bombled )

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Suite de l'histoire Nespola; les temps morts de l'été 1885

Petite histoire basée sur la généalogie Nespola-Bouroul-Falicon

courgettes de Nice Ce chantier a épuisé Francesco. Il a tenu le coup mais maintenant qu'il peut se reposer, il tourne en rond. L'été, l'activité est réduite. Les riches familles que Vincent connaissait et qui faisaient travailler Francesco sont reparties et l'entretien est assuré par les gardiens. Tous les matins, il reste la livraison des fleurs. Vincent en prépare quelques bottes le soir mais elles souffrent de la chaleur et malgré l'arrosage, leurs feuilles sont ternes. Heureusement il y a quelques légumes : tomates, basilic, courgettes et leurs belles fleurs jaunes en trompettes. Francesco part dès l'aube pour être le premier sur le Cours. Les vendeuses achètent son lot mais elles aussi, elles ont du mal à vendre les fleurs et pas question de faire les expéditions par le train de nuit. Aux oeillets de Nice, les Parisiens préfèrent la fraîcheur des roses du nord. C'est vraiment la morte saison.

À dix heures, il est de retour. Vincent l'attend pour la merenda, un petit casse-croute, du pain frotté au jus de tomate, des olives et l'eau du puits qui reste fraîche. La maison est calme, Vincent s'active à tuteurer les plants, Catherine fait de la couture. On n'entend pas les enfants de Vincent. Les deux grands sont déjà partis au travail. L'été, ils se font un peu d'argent. Emmanuel, neuf ans, aide les pècheurs et Catherine, sept ans, garde le bébé de la voisine. Francesca Falicon, leur grand-mère garde les trois petits : Françoise, quatre ans, Madeleine, deux ans et François qui dort à l'ombre dans son berceau. Leur mère Antoinette est partie chez Madame Lapouge, une parisienne qui vient soigner son eczéma par des bains de mer. Tous les matins, Antoinette lui fait les courses, un peu de ménage et de cuisine. Seul Francesco est inactif.

Il passe et repasse derrière Catherine, lui fait des bisous dans le cou. Il ferait volontiers une petite sieste avec elle mais Catherine est pressée, elle se concentre pour finir ses commandes avant de partir servir au restaurant. Ils discutent un peu. Catherine lui raconte les rumeurs échangées au restaurant. elle lui demande si c'est vrai, tout ça ? Mais Francesco ne sait que répondre, il ne fréquente pas les gens du quartier. Pire, il les fuit. Souvent elle ramène "Le petit Niçois", un journal laissé par un client du restaurant. Alors il lui fait un peu de lecture. Sur sa première page, le journal du 27 juillet parle de Madagascar, du Tonkin, de la Tunisie. Tous ces pays sous contrôle de la France, le parlement met au vote un budget important à consacrer à Madagascar, "pour faire valoir les droits que la France possède depuis le XVIIe siècle sur l'île riche et vaste de Madagascar".

— ch'est où Madagascar? demande Catherine, les épingles plein la bouche. Douze millions, ch'est beaucoup !

Francesco ne sait pas lui répondre. L'Algérie, la Tunisie, il connaît mieux, surtout depuis que son frère Onorato est militaire en Algérie mais le Tonkin et Madagascar, il aimerait les voir sur une carte.

— Je ne sais pas, répondit-il avec irritation. Si au moins je pouvais trouver du travail, il nous resterait un peu d'argent pour acheter une encyclopédie. Mais c'est très cher, il y a plusieurs tomes. Nous, les millions on n'en verra jamais. Les sous, on les gagne un par un.

— Des sous, on en a ! Avec l'argent du Comte, nous tenons jusqu'au retour de l'hiver, ensuite, le travail reprendra. En attendant, on peut acheter une grande carte murale comme à l'école. Tiens, au fait, ce soir, je demanderai à mon neveu. Emmanuel, il saura peut-être. Il est bon à l'école.

Francesco s'énerve encore plus. Il jette le journal sur la planche de travail de Catherine et part fulminer dans le jardin. Lui aussi était bon à l'école, maintenant il est devenu bon à rien, même un enfant de neuf ans en sait plus que lui. Michele a raison, ses rêves d'avenir, ce n'était que de la prétention. Au lieu de rester métayer, il a voulu être jardinier. Et voilà où cela l'a mené. Et il a même réussi à ruiner sa famille. Son père doit s'en retourner dans sa tombe. Pourtant, lui aussi l'a encouragé dans ses rêves. "Tu es intelligent et travailleur, tu te feras ta place, qu'il disait."

Catherine vient le rechercher.

20000 squid Nautilus viewbay — Ne sois pas fâché ! Reviens, tu m'as promis de me lire la suite du feuilleton. ça nous distraira pendant que je finis ma couture.

Francesco n'aime pas ce genre de lecture. Déjà son titre le contrariait : "La maîtresse de M. le Duc" de Victor Perceval. Pas très moral, tout ça ! Pourtant ça plait à Catherine. Il ne peut s'empêcher de lui demander :

— Toi, si sérieuse et même un peu trop à mon goût maintenant que nous sommes mariés, pourquoi veux-tu que je lise ça ? Ce n'est pas notre monde, heureusement !

— Justement ça nous change. Pour rien au monde, les filles des cuisines ne rateraient un épisode. Avant on me les racontait, maintenant je suis fière que tu me les lises. On en rit beaucoup, même avec les clientes de la couture.

Résigné, Francesco se mit à lire l'épisode. Le 91 ième. Combien d'autres devra-t-il en lire encore ? Ce Victor Perceval, qui c'était ? Il n'écrivait que des niaiseries. Pourquoi ce journal ne publie-t-il pas "Les Voyages Extraordinaires" de Jules Verne. Il en a vu des épisodes dans le journal "Le temps" que Rosa Bonheur avait ramené de Paris et qu'il avait déployé par terre pour ne pas tâcher le sol. Ces épisodes là, Francesco les aurait volontiers découpés à défaut de pouvoir acheter les livres. Le Tour du monde en quatre-vingts jours . Vingt Mille Lieues sous les mers...

Peut-être trop scientifique Catherine. " Que va-t-il imaginer là ! dirait-elle". Non. Une idée lui vient. Il va mettre un peu d'argent de côté, petit à petit pour offrir son premier beau livre au fils de Vincent pour Noêl. Si Emmanuel est trop jeune pour le lire, il en regardera au moins les gravures et posera des questions à son père. ça fera plaisir à Vincent qui lui prêtera le livre et à leur tour ils pourront discuter entre hommes.

Ce journal l'a contrarié et préoccupé. Pas pour le feuilleton. Les jours suivants il en sourit, depuis que Vincent lui a tout raconté :

— Pas étonnant que ce Victor parle d'adultère, il, ou plutôt elle, en connaît un rayon !

— Elle ?

— Victor Perceval, ce n'est pas son vrai nom. C'est un nom d'écrivain, un pseudo qu'ils disent. En fait elle s'appelle Marie de Fernand et devine de qui elle est la maîtresse ! Tu connais au moins un de ses livres, c'est un écrivain que tu aimes bien.

— Surement pas !

— Si, si, répond Vincent en frisant sa moustache.

L'indignation du jeune Francesco le fait sourire. Ce Francesco, il est touchant ! Pur et dur !

— Les trois mousquetaires, ça te dit quelque chose ?

— Alexandre Dumas ?

— Hé oui ! Ce feuilleton, c'est sa maîtresse qui l'écrit. Et ça fait rêver nos bonnes femmes ! Finalement on a tord de s'en priver... de maîtresse ! Avec mes quarante deux ans, il va falloir que je me dépèche.

Francesco est surpris mais il sait bien qu'il plaisante. Vincent est un mari affectueux, très attaché à sa famille. Il est tout dévoué à ses enfants et à leur bonne éducation.

Non, ce qui le contrarie Francesco, c'est cet article sur Madagascar. Maintenant que la Tunisie est pacifiée, Onorato risque d'être envoyé à Madagascar pour y faire la guerre. Peut-être y est-il déjà. Les nouvelles sont rares et c'est la mère qui les reçoit. Depuis qu'ils ont perdu le métayage de Ginestière, Michele a promis de lui casser la gueule s'il s'approchait de sa mère. Alors pour éviter les incidents, il demandera à Costanza. En attendant tous les soirs, il fait des cauchemars. Onorato et Battiste meurent. Ses deux frères. Tous les souvenirs d'enfance lui reviennent et ça tourne, ça tourne dans sa tête.





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