Cet article fait partie de la biographie de François Nespola, Nice 1858-1911, cliquer ici pour voir le début et ici pour voir le plan
Nice, ... le plus beau pays qu'il m'ait été donné de voir ! (Napoleon III)
François Nespola, fils d’une famille émigrée d’Albenga , République de Gênes a passé sa vie de jardinier dans le quartier Ouest de Nice au moment où les riches propriétaires anglais, russes ou même américains bâtissaient leurs « folies » - châteaux médiévaux, abbaye d’opérette, palais de marbre - dans de grandes propriétés aux immenses jardins pour y séjourner l’hiver.
"Voilà le plus beau pays qu'il m'ait été donné de voir !" dit Napoléon III.
Les folies se bâtissent sur les collines ouest de Nice,quartier Fabron entre 1860-1900 : châteaux d'opérette, abbaye ...
Déjà en 1804, Sylvestre-Antoine Papon fait de merveilleuses descriptions de Nice dans son livre "Voyage dans les Alpes-Maritimes". Il est avocat au Parlement de Paris et juge à Marseille. C'est de Marseille qu'il s'embarque pour Nice. Son livre commence ainsi :
"
Je m'embarquais à Marseille, le 30 frimaire an XI (21/12/1802), pour me rendre dans le département des Alpes-Maritimes. Après trois jours d'une navigation périlleuse, je me fis mettre à terre à Antibes, d'où l'on aperçoit Nice et ses jardins. La mer forme une sorte de golfe entre ces deux villes : le terrain s'élève insensiblement, et présente un superbe amphithéâtre, dont les hauts sièges, c'est à dire les montagnes, sont six mois de l'année couvertes de neige, tandis que les plus bas le sont de fleurs et de verdure.
On fait deux lieues, qui sont la distance d'Antibes à Saint-Laurent, par un chemin bordé d'oliviers, de figuiers, d'amandiers et autres arbres fruitiers. À Saint-Laurent, on passe le Var sur un pont de bois peu solide, souvent dégradé par les inondations.
... J'y arrivais (sur le territoire de Nice) le jour de Noel .. je crus être dans la saison du printemps .. les fleurs de toute espèce, les plantes odorantes, l'oranger et le citronnier parfument l'air d'alentour. À droite et à gauche sont des maisons fort bien décorées, presque toutes habitées par des étrangers, du moins en hiver...
"
voir le livre sur googlebook, ça en vaut la peine, c'est le département des Alpes-Maritimes, version Napoléon,( c'est à dire l'ancien Comté de Nice plus Bordighera ...) dans toute sa beauté et les descriptions sont précises.
Curieusement cet auteur est peut diffusé sur internet et j'ai eu du mal à identifier cet auteur S.Papon. à chaque fois, l'ouvrage de l'abbé Jean Pierre Papon, Voyage littéraire en Provence ressort mais pas S.Papon. Finalement
le site de l'éco-musée de La Roudoule explique sur sa page des hommes célèbres de Puget-Théniers que Jean-Pierre et Sylvestre Antoine sont deux frères de Puget-Théniers, tous les deux devenus oratoriens. Le premier est né en 1734, le second publie son ouvrage et ceux de son ainé après la mort de ce dernier.
En 1879, le guide des étrangers à Nice, est plus connu, il décrit les campagnes intéressantes autour de Nice. Pour le quartier Sainte-Hélène, "Monsieur Jaume possède une campagne (anciennement aux Lascaris de Vintimille) où se trouve une très belle maison, placée dans une situation élevée. On y jouit d'un coup d'oeil enchanteur." Il doit s'agir du chateau Fabron, actuellement musée d'Art Naïf ou du chateau Barla.
Ce cadre se prêtait bien à l'édification des folies bâties par les familles riches.
Folie, du latin folia (feuille) désignait depuis le Moyen-Age une résidence de campagne entourée d’un jardin arboré. – ce que les italiens de la Renaissance appellent villa.

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Dans notre contexte, ce sont des résidences luxueuses, conçues pour de grandes réceptions et entourées de jardins aux essences exotiques. Le climat niçois le permettait.

Cette photo est prise du collège de l'archet. Sur cette vie de la baie des Anges, à droite on voit les palmiers et un araucaria du parc des tropiques, ancien domaine d'un russe passioné de botanique et d'élevage des serpents. La propriété Nespola était juste au dessous.
Voici le plan des villas du quartier Fabron en 1889 autour de l'église Sainte-Hélène

Sur cet extrait de la carte de Monnier du site gallica.bnf.fr, on voit le quartier Sainte Hélène entre Magnan et Carras. La voie ferrée existe déjà quant à la Promenade des Anglais, elle s'arrête à Magnan.
La villa des Palmiers est mentionnée tout comme les châteaux Barla et Fabron. Vallon Barla, la maison Gambart deviendra le manoir Leliwa, la propriété Jaume est proche du domaine Chateau Sainte Anne et la future abbaye de Roseland est en face de la propriété Vérani.
Sur les plans du cadastre établis en 1870, l’étendue des grands domaines sur les collines et au bord de la mer, le train, la route nationale et le quartier Barrimasson - Sainte Hélène déjà en cours d’urbanisation. Quelques maisons, châteaux et la très grande villa « les palmiers ».
La première "folie" bâtie sur les collines, la villa "les palmiers", domaine actuel des "Grands cèdres"
Vers 1840, au milieu de cette campagne, sur une colline dominant la mer, le banquier niçois Honoré Gastaud est le propriétaire d’un domaine de vingt-cinq hectares. Il a hérité cette propriété de son grand oncle André Gastaud qui a fait une fortune rapide pendant la Révolution française et a acheté maison et terres le 8 mars 1795. Cette généalogie sera l'objet de l'article suivant.
Pour en savoir plus sur cette famille Gastaud, cliquer ici
Pour en revenir au petit neveu, le banquier Honoré Gastaud, iIl décide d'entourer son habitation traditionnelle par un environnement végétal exotique : les araucarias, les palmiers, les eucalyptus et les cèdres, toujours présents dans le parc, datent de cette période.
Le parc est complété d'une immense serre contenant un jardin d'hiver, des pièces d'eau décorées de rocaille, des falaises et grottes artificielles, des belvédères.
La villa s'appelle "les Palmiers", le domaine est peu visible de l'extérieur car entouré d'un grand mur. Emile Nègrin, dans son guide de ballades proposées aux touristes, publié en 1842, dit que cette villa serait la plus belle de Nice sans les murailles formidables qui l'entourent.
En 1858, lors d'un séjour sur la Riviera, la tzarine Alexandra Feodorovna demande à visiter ce jardin réputé pour ses essences.
Le 12 septembre 1860, Napoléon III et l'impératrice Eugénie viennent célébrer le rattachement de Nice à la France.

Ce voyage a été immédiatement décrit dans le livre "Voyage de leurs Majestés Impériales dans le Sud Est, la Corse et l'Algérie" publié en 1860 par Firmin Didot Frères.
Leur yacht, l'Aigle, s'ancre dans la rade de Villefranche car le port de Nice n'est pas assez profond. Le bateau est très long !
Le couple impérial passe sa première journée dans le centre de Nice : collation sur la colline du chateau pour avoir une vue générale de Nice, diner et théatre dans le vieux Nice. Le lendemain, l'empereur souhaite voir les travaux prévus pour endiguer le Var. Les plans lui sont présentés sur le vieux pont de bois qui relie Nice à Saint-Laurent-du-Var. Il approuve le projet du futur pont Napoleon III et se rend pour une collation à la villa Gastaud où une fête est donnée en son honneur.
Ces deux jours à Nice ont suscité l'enthousiasme de Napoleon III : "Voilà le plus beau pays qu'il m'ait été donné de voir !". (4)
En avril 1864, l'ouverture de la voie des chemins de fer PLM ampute le domaine de sa partie en bord de mer.
Le 21 septembre 1867, le banquier Honoré Gastaud complète son domaine en achetant pour 2.000 francs la propriété d'Isidore Jaume (fils de Joseph Jaume et de Thérèse Simon).
Mais "la roche Tarpéienne est proche du Capitole". La faillite du banquier le contraint à vendre tous ses biens. Le jugement d'adjudication les met aux enchères par lots, 26 en tout, villa les palmiers, chateau Barla, chateau de Fabron ...et d'autres biens sur les collines de Nice, dont Bellet.
Après la faillite du banquier Honoré Gastaud, la villa est adjugée en un lot racheté en 1871 par le consul Ernest Gambard, marchand d'œuvres d’art.
Les propriétaires successifs ont encore embelli le domaine :
- En 1870, la villa des palmiers a été remplacée par le palais de marbre, construit par Ernest Gambard.
- Pour les jardins, ils ont aussi évolué en jardin à la française avec le rajout du parterre et cette magnifique pièce d'eau géométrique créés le jardinier Octave Godard en 1923 pour Edouard Soulas. C'est ce même jardinier qui a créé les jardins du chateau Sainte-Anne et de l'Abbaye de Roseland.

Le manoir Leliwa, un château à la Disney

C'est un comte polonais, Michel Leliwa de Rohozinski, qui acheta à la fin des années 1880 une propriété Girard à Fabron....
....lire la suite sur le site http://www.nicerendezvous.com/
le château Barla et sa tour médiévale 1870
Le château Barla a été bâti avant 1870 par Honoré Gastaud ....
....lire la suite sur le site http://www.nicerendezvous.com
le château Sainte-Hélène ou château de Fabron, actuel Musée d'Art Naïf
le château Sainte-Hélène existe toujours mais a été considérablement transformé. C’est une partie de la propriété Gastaud achetée en 1871
Le château Sainte Anne 1928-1969

Aujourd’hui disparu, il avait été construit en 1928 par l’architecte niçois Adrien Rey (1865-1959) pour un notaire de la ville, Charles Grimaldi, dans un style néo-Renaissance.
Il ne reste plus qu'une partie des jardins aménagés par Octave Godard. Ce jardinier est intervenu sur deux autres grandes propriétés du quartier : l'Abbaye de Roseland et la villa des palmiers (actuels Grands Cèdres).
La propriété Jaume, ROSELAND, UNE ABBAYE DE FANTAISIE 1925
Roseland n’a jamais été une abbaye. c'est une "folie" bâtie en 1925 par Edouard Larcade en 1925. La maison comprend un cloître avec des colonnes que cet antiquaire a récupéré sur d'anciens cloîtres. Le jardin a été conçu par le célèbre architecte jardinier Octave Godard. Au dessus de l'abbaye classée monument historique et propriété de l'Etat, on entrevoit la piscine de la résidence.

Phot. J. Marx © Conservation régionale des Monuments historiques PACA., juin 1994 , http://insitu.revues.org/1195 In situ, revue des patrimoines. Un dossier de protection monument historique : la demeure dite « abbaye de Roseland » à Nice

Vue de l'Abbaye de Roseland et du Chateau Sainte-Anne, avant la démolition de ce dernier.
Questions en instance
- L'acte d'adjudication donne l'origine de la fortune prodigieuse du banquier. Elle vient d'André Gastaud, frère de son grand-père. André Gastaud, pendant la révolution française, avait acheté ces biens "nationalement", c'est à dire après expropriation des biens des émigrés.
- Les raisons de la faillite du banquier. Cette faillite coincide avec la guerre et la défaite de 1870. Elle préfigure la grande dépression et la crise immobilière qui ont touché Nice entre 1885 et 1892. Quelles sont les raisons réelles de cette faillite ???
Les documents
Sur le site Gallica, description de la villa Gastaud en 1889 par Leo Watripon dans son guide de Nice.
- Octave Godard, célèbre jardinier "à la Française", c'est à dire des jardins classiques inspirés de Versailles.
- Le jugement 12/1/1871 d'adjudication du domaine après la faillite du banquiers, Archives du CG06, Hypothèques,Archives administratives avant 1940, bureau de Nice ... sur la fiche d'Honoré Gastaud, on trouve la référence de ce jugement 402Q2040203.
Plan du lotissement de la propriété de Honoré GASTAUD à Nice, quartier de Fabron, couvrant une superficie de 25,11 hectares, où est construit le Palais de Marbre (ou la Villa les Palmiers). Plan enregistré le 29 octobre 1879, plan dressé pour la vente de propriété GASTAUD à l'appui du rapport d'expertise du 19/04/1879. Document 03U 01/1146_01 du 29 octobre 1879.
Les deux fiches sont numérisées mais il faut consulter les registres papiers au bâtiment des Archives Départementales du Conseil Général.
- Atlas de Paris, les folies au XVIII ème
- Les guides touristiques de l'époque, google nous les met gratuitement en ligne, Merci ! :
- Revue du CG06, juillet-décembre 2010, N°196, dossier du Docteur Michel BOURRIER, Nice et Napoleon III
- L'Aigle, description du bateau dans les dossiers de la marine
- Archives départementales, les Alpes-Maritimes au XIXe siècle
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